Sort du bail dérogatoire au-delà du terme contractuel : Attention danger !
1. Rappel des dispositions relatives à la durée d’un bail dérogatoire
La Loi PINEL du 18 juin 2014 a modifié la durée du bail dérogatoire, qui peut désormais être consenti ou renouvelé pour une durée de trois ans maximum conformément à l’article L 145-5 du Code de Commerce.
L’alinéa 2 de ce texte dispose qu’à l’expiration de cette durée, si le locataire se maintient dans les lieux ou s’il est laissé en possession des lieux, il s’opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.
L’expiration de cette durée vise-t-elle celle du bail dérogatoire conclu ou bien le délai de trois ans fixé par le texte ?
2. L’apport de l’arrêt du 8 juin 2017
Un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 8 juin 2017 (n° de pourvoi 16-24045) mérite une attention particulière car il s’intéresse au sort réservé au bail dérogatoire conclu au visa de l’article L 145-5 du Code de Commerce au-delà de son terme contractuel.
Dans cette affaire, les parties avaient conclu le 14 juin 2010 un bail dérogatoire de quatre mois.
Le locataire s’était néanmoins maintenu dans les lieux et avait délivré congé pour le 15 avril 2012, mais la libération des lieux et la remise des clés étaient intervenus avant le deuxième anniversaire de la prise d’effet du contrat.
Ce bail, signé en 2010, était antérieur à la Loi PINEL, la durée du bail dérogatoire était donc limitée à deux ans.
Le bailleur a assigné le locataire en paiement des loyers et charges échus postérieurement au terme du bail dérogatoire, estimant que du fait maintien dans les lieux postérieurement au 14 octobre 2010, il s’était opéré un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.
Il sollicitait le règlement des loyers et charges jusqu’à l’échéance triennale du 13 octobre 2013.
Son action a été accueillie par les juges du fond.
Au soutien de son pourvoi, le preneur faisait valoir qu’il n’était pas resté et n’avait pas été laissé en possession des lieux à l’expiration du délai de deux ans suivant la conclusion du bail dérogatoire, de sorte que le statut des baux commerciaux était inapplicable.
La Cour de Cassation rejette le pourvoi en jugeant que quelle que soit la durée du bail dérogatoire ou du maintien dans les lieux, si le preneur reste ou est laissé en possession au-delà du terme contractuel, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est régi par les règles statutaires.
Par cette décision, la Haute Juridiction considère que c’est le maintien dans les lieux au-delà du terme de celui-ci qui entraîne un nouveau bail soumis au statut, indépendamment de la durée de deux ans (trois depuis la Loi PINEL) fixée par le texte.
On pourrait penser que cette position semble contraire aux dispositions de l’article L 145-5 du Code de Commerce qui offrent aux parties la faculté de conclure des baux dérogatoires successifs dans la limite de deux années (trois ans depuis la Loi PINEL du 18 juin 2014).
Pour autant, dans l’affaire ayant donné à cet arrêt, les parties avaient entendu contracter pour une durée de quatre mois, de manière irrévocable, sans que cette durée puisse être prorogée ou révoquée, ce qui a manifestement conduit la Cour à considérer que le terme contractuel était nécessairement de quatre mois.
3. Les précautions à prendre par le locataire afin d’éviter d’être engagé dans les termes d’un bail commercial
En conclusion, cette décision doit inviter à la plus grande prudence et il semble préférable pour le preneur de prévoir dans le bail une clause stipulant la reconduction automatique du bail dérogatoire dans la limite maximale de trois années, afin d’éviter toute difficulté.
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